mercredi 31 mars 2010

Dream - Kim Ki Duk


Adhérer au mouvement surréaliste peut paraître simple et pourtant s’y illustrer comme réalisateur et scénariste reste une tâche périlleuse. Kim Ki duk s’est révélé être un prosélyte du manifeste d’André Breton, conciliant harmonieusement le réel et l’irréel, le rationnel et l’intuitif… La primauté donnée à l’Amour permet de mettre scène tous les déraisonnements mentaux et affectifs liés aux relations humaines : l’onirisme plante le décor, l’esthétisme nous embarque dans un univers surréaliste, à la fois vide de sens et tapissé de symboles. Kim Ki Duk nous a habitués à ses films fantastiques où le basculement de la réalité à l’irréel se manifeste à un croisement de rue, où les événements improbables paraissent rationnels car totalement ancré dans la logique surréaliste. Après le magnifique Les Locataires, le cinéaste coréen a enchaîné les réalisations : l’Arc, Samaria, Time, Souffle puis Dream…Chaque film met en scène des relations amoureuses sans dialogues, totalement pulsionnelles, où l’image prévaut et les métaphores closent l’histoire. Et pourtant au fil du temps, les histoires qu’il nous conte perdent de leur magie. Ce rythme effréné l’a-t-il mis à bout de souffle, non d’inspiration mais de réalisation, de cohérence et de profondeur ?

Dream recycle les figures de style propres au réalisateur. Il nous transporte une fois de plus dans un drame poétique où les rêves obsessionnels d’un jeune homme se voient concrétisés par une jeune femme somnambule. Antithèses imagées récurrentes. Le noir et le blanc. Le rêve et la réalité. Le yin et le yang. Jin et Ran.
Les souvenirs remontent et provoquent des rêves funestes… Comment empêcher ce parallélisme onirique entre deux êtres antinomiques ? André Breton parlait de « Vases communicants » pour définir cette inversion et dédoublement des rôles ; Kim ki duk, lui, affectionne particulièrement ces intrigues. Nous voici donc emportés dans les méandres d’une dérive nocturne, les rêves défilent, les actions s’exécutent. Jin est persécuté par ses pensées obsessionnelles pour son ex- bien aimée, Ran quant à elle, se voit obligée de réaliser ces fantasmes destructeurs sur son détesté ex compagnon. L’Amour nostalgique et la Haine résignée se confrontent métaphoriquement. Quant au véritable Amour, le pur et libérateur, il trouve son incarnation en un papillon.

L’idée initiale aurait pu être spectaculaire, hélas la mise en scène indigente ne laisse qu’une vague impression de narration désordonnée et de scénario inachevé.
Dream s’enlise dans la répétition, il nous déconcerte et parvient à nous égarer. La brutalité qui émane de certaines scènes, oscillant entre automutilation et folie, sonne creux. L’esthétisme a supplanté l’intrigue, les personnages perdus frisent la caricature, la poésie s’est évaporée en un battement d’aile.

Ce dernier opus de Kim Ki Duk pose les limites d’un surréalisme mal maîtrisé et en perte de « cohérence ». Car même dans les univers fantasmagoriques, il y a des limites à ne pas franchir pour ne pas tomber dans le discrédit et faire voler en éclat tout l’onirisme du surréalisme.

Le papillon a finalement mal pris son envol…

2 Ponyo

lundi 29 mars 2010

Tout ce qui brille - Géraldine Nakache


C'est une jolie ode à l'amitié qui est mise en scène. Une comédie pétillante qui nous présente Ely, la juive et Lila, la musulmane, deux jeunes femmes singulières mais que tout semble rapprocher : la même banlieue, la même soif de liberté et de reconnaissance sociale, les mêmes aspirations et surtout le même attrait pour la vie parisienne mondaine entre strass et paillettes.

Ce premier long métrage s'inscrit dans l'air du temps, il nous resitue les aspirations sociales de deux banlieusardes attachantes et cela de manière optimiste. Certes les clichés du désir d'ascension sociale sont présents, la morale s'infiltre en happy end mais sont omis la haine et la violence, données trop souvent rattachées aux banlieues. L'humour est savamment dosé, les dialogues incisifs, le ton juste. Cette chronique post-adolescente rythmée permet de mettre en lumière deux comédiennes montantes : Leila Bekhti (pas aussi jolie que Moon :p ) et Audrey Lamy (hilarante en coach de gym). L'alchimie entre les actrices nous amène à ressentir une forte empathie pour ces filles aux caractères bien trempés et nous prendre au jeu de leur amitié vibrante.

C'est un film à voir entre filles, il permet de ressortir l'humeur joyeuse et avec la mélodie de Véronique Sanson en tête.
2.8 Ponyo

Alice aux Pays des Merveilles - Tim Burton


Cher Tim,

Réveille toi ! Cesse de nous convier dans tes univers trop lisses, imprégnés de fantaisie conventionnelle, mais laisse nous replonger dans les extravagances scénaristiques et l’Imaginarium de ta filmographie d’antan !

Alice au Pays des Merveilles de Lewis Carroll est un conte qui ne cesse de nourrir l’imaginaire de ses lecteurs et cela depuis plus de cent ans, faire appel à toi relevait donc de l’évidence… Et pourtant, te voici pris au jeu de cette course frénétique au spectaculaire et à la maîtrise technologique. L’enchantement visuel a supplanté la poésie et l’onirisme de ce conte hors du commun, de cette histoire aux franges de l’étrange. A trop te soucier des couleurs psychédéliques et des animaux numériques, tu nous as privé de tout le surréalisme et le non sens du livre. Le contenu est sans relief : ni fantasque, ni merveilleux, les personnages insolites deviennent de bien fades protagonistes : le chapelier toqué parait raisonné, la petite Alice a perdu sa naïveté et est devenue une Jeanne d’arc chevaleresque, le chat foin semble raisonnable et attendrissant, le loir dans la théière ne somnole plus... Seule la Reine Rouge a conservé son identité de souveraine névrosée et mégalomane.
Certes tu as modifié l’histoire pour la réadapter mais passer de l’autre coté du miroir s’est avéré être un projet périlleux et inachevé. Cette Alice au Pays des Merveilles qui en a émerveillé et dérouté plus d’un, s’érige telle une histoire logique dans ton film. Normalement en porte à faux et à contretemps dans ce pays imaginaire, Alice est devenue l’allégorie de la conquête et de la paix. Du haut de ses 19 ans, Alice a peut-être grandi trop vite et perdu son âme d’enfant. Tout comme cette nouvelle adaptation de l’œuvre de L. Carroll à l’écran…

C’est avec regret que je déconseille ce film.

PS : Quelle triste et curieuse idée d'avoir utilisée une chanson d'Avril Lavigne en générique de fin ... Bon, tout de même, je cite une chose positive : la 3D car j’ai adoré recevoir une tasse sur la tête en plein film !

2 Ponyo

Soul Kitchen - Fatih Akin

C'est dans une ambiance underground et dans le tourbillon d’une joyeuse cohue que nous suivons les déboires d'un restaurateur malchanceux. Zinos, grec habitant Hambourg accumule les poisses : une copine qui s'exporte en Chine, un amour remis en question, un frère taulard qui lui apporte son lot d'embrouilles, un restaurant au bord de la perdition, un cuisinier psychopathe amateur de bonnes choses et le retour d'une connaissance de longue date assez opportuniste... Les scènes anecdotiques s'enchaînent sur une bande son détonante et pourtant on sourit sans jamais vraiment rire. Les rebondissements à profusion semblent mal dégrossis, l'humour brouillon et les personnages gentiment paumés laissent une impression de comédie à la fois plaquée et décousue. On rit des malheurs du héros et se contente de l'optimisme prodigué par cette histoire rocambolesque.

La nouvelle vague de films allemands semble s’essouffler avec Soul Kitchen. Et pourtant il ne manquait qu’un soupçon d’épices pour donner de l’ampleur au scénario.

2 Ponyo

vendredi 19 mars 2010

L' Arnacoeur - Pascal Chaumeil


Le petit ami de votre fille est un looser ? Celui de votre meilleure amie est un sale type ? N’attendez plus et faites appel à Alex. Séducteur irrésistible et expert en romantisme, contactez de suite ce talentueux briseur de couple professionnel. Avec sa team de choc, il tentera d’ouvrir les yeux à toutes filles malheureuses et engluées dans des histoires d’amour sordides. Assurance et succès constituaient sa ligne de conduite jusqu'à ce qu’une de ses missions ne se complique…

Un scénario manquant d’originalité, une vive inspiration de comédie US, des clichés à l’emporte-pièce et des rebondissements convenus ?….Peut-être bien, mais quelle comédie rafraîchissante et pétillante!

Le pré-générique brillant nous offre un bel aperçu des 1h40 à venir, avec la description rythmée du personnage principal et de son job hors norme.
Le tandem Duris/Paradis fonctionne à merveille. Gaffeur et attendrissant devant une jeune femme farouche et mystérieuse, Alex va succomber petit à petit à son charme désarmant. En voulant à tout prix la séduire pour lui éviter un mariage malheureux, il n’arrivera plus à différencier son jeu de la réalité…

Les plans courts et rapides ainsi que la bande son entraînante permettent de donner un rythme effréné à cette course contre la montre. 5 jours de séduction, 50 000 euros à empocher, 1 couple à briser et 1 cœur à conquérir !
L’équipe loufoque, formée par Julie Ferrier, François Damiens et Romain Duris, est désopilante. Les scènes cocasses s’enchaînent laissant les spectateurs hilares, ni le rythme ni l’humour ne faiblit ! Jamais de mièvrerie, mais beaucoup de tendresse, cette comédie s’inscrit dans l’air du temps : résolument moderne !
Les seconds rôles sont craquants quant à Romain Duris, en alliant charme et désinvolture, il nous laisse pantois!

Pour conclure, je ne peux omettre d’évoquer la danse convaincante de Dirty Dancing et le Happy End savoureux !! Allez-y, courrez voir ce film sans prétention : c’est drôle, c’est français et on en ressort le cœur léger!

3,3 Ponyo

mercredi 17 mars 2010

Ghost Writer - Roman Polanski


Manipulation, conspiration et complot politique, Polanski nous convie dans l’intrigue haletante d’un polar à l’allure hitchcockienne.

Un ghost-writer est engagé pour achever la rédaction des mémoires d’un ancien premier ministre britannique. Un projet périlleux qui a laissé son prédécesseur pour mort. De découvertes en découvertes, le héros va tenter de démêler les faux semblants de la vérité. Lorsque éclate un scandale politique vertigineux…

Nous voici embarqués dans un thriller politique digne d’un scénario des années 70. L’intrigue se profile lentement. En crescendo. Laissant les rebondissements se dévoiler et les indices se résoudre, le suspense va monter en intensité tout le long du film jusqu’à ériger sa fin en apothéose.

Polanski nous offre un pur moment de cinéma : Il connaît ses classiques, excelle dans la maîtrise de la mise en scène, bluffe par l'esthétisme sobre de ses plans et arrive à marier efficacité narrative à une bande son captivante .
Dès la première scène, la tension est palpable, l’atmosphère trouble et oppressante va accroître le suspens ambiant – paysage insulaire, huit-clos quasi constant – cloisonnement dans une maison de verre – vont accélérer l’angoisse sous-jacente du « Ghost » et amplifier sa paranoïa.

Ewan McGregor est troublant de crédibilité dans ce rôle d’écrivain candide qui cherche à mener son enquête. Quelques touches d’humour sont distillées au fil de l’avancée de la machination, permettant à la fois de créer une rupture avec la tension générale et amplifiant en même temps cette sensation d’oppressement. Polanski joue avec le temps, l’accélère, le ralentit, le fractionne, il joue avec nos nerfs et nous déroute.

Serait-ce un film-miroir ? Ce cloisonnement et l’acharnement médiatique dont est victime Pierce Brosnan dans le film semblent trouver écho dans la réalité – la situation de Polanski. Un autre rapprochement peut être évoqué : le Ghost est confiné sur une île au large des Etats-Unis, il est obligé d’y rester afin de terminer les mémoires d’Adam Lang, et cela dans le plus grand des secrets. A la frontière des Etats Unis, il apparaît tel un exilé, traqué, qui se cache des périls issus du continent américain...

Certains diront que le film est trop classique ou le scénario trop simple, pour ma part ce polar politique a été apprécié avec délectation.

3 Ponyo

mardi 16 mars 2010

Achille et la tortue - Takeshi Kitano


En mal de talent, d’inspiration et de notoriété, Machisu s’acharne à concrétiser son rêve d’enfance : devenir un artiste peintre. Son obsession n’a d’égale que sa folie créatrice, qui le laisse aux franges de la réalité, des responsabilités et de sa vie. La quête de cette inaccessible étoile se verra ponctuée de désillusions et de coups du sort mais triomphera au final l’optimisme grâce à sa rencontre avec Sashiku.

Les toiles ratées s’amoncellent, tout comme les scènes de pure inventivité, Takeshi Kitano nous offre une mise en abîme de sa propre vie, une métaphore de sa condition d’artiste. Cette réflexion quasi autobiographique se déploie en trois tableaux successifs de la vie du peintre : l’enfance, la force de l’âge et l’âge mur. Oscillant entre épisodes funestes et purs moments de créativité, cette comédie pessimiste est attendrissante. Car au-delà de cette ambition dévastatrice, c’est une folle histoire d’amour qui est contée. La narration décalée et souvent absurde du film renforce les névroses malsaines de ce personnage déshumanisé par l’art ainsi que la relation de ce couple extraordinaire.

Takeshi s’amuse à reprendre le savant mélange de tons qui fait la singularité de la majorité de sa filmographie (L’été de Kikujiro). Pour notre plus grand plaisir! Et pourtant, Achille et la Tortue semble brouillon et disparate. Les péripéties rencontrées par Machisu sont inégales et parfois peu compréhensibles. On en vient donc à ressentir quelques longueurs même si la mélodie entêtante supplante ces instants de flottement et d’égarement un court moment.
Et ce titre, quelle curieuse devinette ! Chacun peut l’interpréter à sa manière et cela jusqu’à ce que Takeshi himself nous la dévoile un jour…

Cependant, je reste sur mon impression de départ : Achille et la tortue dégage une si douce mélancolie et une énergie si insensée, qu’il pourrait en surprendre plus d’un !

3 Ponyo

PS : Ames enfantines, originaux et takeshiphiles, foncez les yeux fermés à la Fondation Cartier où se déroule l’exposition « Beat Takeshi Kitano – Gosse de peintre » du 11 mars au 12 septembre. De plus, pour les adeptes ou potentiels amateurs de ce grand iconoclaste : rendez-vous au centre Pompidou pour une rétrospective de sa filmographie du 11 mars au 26 juin. Enjoy !

Crazy heart - Scott Cooper


The Dude est de retour ! Un court instant certes, mais il est réapparu furtivement dès la scène d’ouverture et dans un bowling qui plus est. Ne brouillons pas les cartes et revenons au film :

Crazy Heart met en scène la déchéance et rédemption d’un chanteur de country rongé par l’alcool. Habitué des bars miteux, bowlings, ou autres 1ères parties de concert, Bad Blake tente de redonner un second souffle à sa carrière musicale et un nouveau départ à sa vie. Sa rencontre avec Jean, journaliste locale, va se révéler salutaire : prise de conscience sur l’importance de la vie et ses priorités.

Traînant ses santiags et sa guitare, Jeff Brigdes nous sidère par la sincérité et la « sobriété » de son jeu. Conciliant fragilité, profondeur et humour, il évite les écueils du sentimentalisme de bazar. Crazy heart est le titre d’une chanson, entre mélancolie et amertume, cette composition est révélatrice de l’état d’âme du chanteur. La musique country en fond sonore nous berce, tantôt douce, tantôt âpre et magnifie tous les plans de ces paysages américains.

Cependant, voici que sonne la première et seule fausse note : il flotte comme une impression de déjà-vu…


Ce chanteur de country music sur le déclin rappelle vaguement un certain catcheur décrépit. Hollywood serait-il friand de ces portraits d’homme écorchés par la vie ? Une question me taraude pourtant, Jeff Bridges époustouflant d’authenticité dans le rôle de Bad Blake a remporté l’Oscar du meilleur acteur 2010 tandis que Mickey Rourke, en Randy the Ram dans The Wrestler, a été mis KO sur le ring par Sean Penn, et son Harvey Milk en 2009. Triste sort pour ce dernier…

Que vous ne soyez nullement amateur de country music ou de catch, Le bocal vous conseille tout de même de regarder ces deux films, car le parcours de ces personnages atypiques vaut le détour !

3.5 Ponyo

samedi 13 mars 2010

Chloe - Atom Egoyan


Il est de ces histoires qui frisent un surréalisme exploitable, où la trame du scénario s’apparente initialement à un bon thriller psychologique, mais qui au final tourne à l’improbable de bazar et se retrouve au cœur du prévisible. Chloe n’échappe pas à ce manque de rigueur scénaristique et de suspens, et pourtant l’interprétation bouleversante de réalisme de Julianne Moore sauve la donne un court instant…

Je resitue en quelques lignes l’histoire : Evoluant dans un cadre bourgeois et mondain, Catherine, en proie aux doutes et au temps qui passe, voit se déliter lentement la cellule familiale. Un fils qui réclame son indépendance et un mari suspecté d’adultère, l’amène à vouloir réaffirmer le contrôle de sa vie. Ses suspicions la poussent à engager une jeune escort-girl, répondant au doux nom de Chloé, pour découvrir la vérité. Cette manipulation machiavélique va mener Catherine vers une découverte troublante et sensuelle, qui mettra en péril sa famille et elle-même.

Atom Egoyan nous entraîne dans les tumultes d’un thriller troublant, où les émotions insoupçonnées de Julianne Moore et la sensualité d’Amanda Siegfried confortent toute la tension érotique du film. Ingénue à souhait, Chloé n’en est pas moins vénéneuse, on comprend pourquoi la brillante Julianne Moore s’est laissée envouter. L’image est soignée et subtile, la place primordiale donnée au jeu de regards et aux expressions du visage renforce le suspens latent.

Et pourtant, cette adaptation du film d’Anne Fontaine, Nathalie, n’arrive qu’à effleurer partiellement la matière sulfureuse de cette histoire à tiroirs. Chloe est lisse, conventionnel, sans apport de nouveautés. Encore un film qui aurait pu se contenter d’être un bon téléfilm de dimanche après midi !

PS : bon, j’admets, mention spéciale et méritée pour Julianne Moore et Amanda Siegfried, désirables à souhait :p

1.8 Ponyo

jeudi 11 mars 2010

Le rêve italien - Michele Placido


Rome.1968 .Une révolution socio-politique est amorcée, les tumultes contestataires se propagent dans les universités italiennes, la lutte contre les inégalités sociales est désormais au centre des protestations estudiantines.
Nous voici donc embarqués au cœur de l’Histoire et de l’action. Et pourtant se dessine au milieu des tumultes, un triangle amoureux mené de front par Laura,une bourgeoise engagée en mal d’identité, son amant transi Nicola, flic infiltré aspirant à devenir comédien et Libero, leader charismatique du mouvement étudiant.

Entre idéaux et va-et-vient amoureux, le film sonne creux.
Le trop plein de nostalgie, le lyrisme exacerbé et la profusion de clichés peinent à mener ses débordements contestataires vers l’élan insurrectionnel désiré par les spectateurs. Le film est conventionnel et ne suscite pas d’émoi particulier. L’Italie de 68 ne fait pas vibrer car aucune réflexion approfondie aux événements de l’époque n’est suggérée. Certes sont cités les massacres de la guerre du Vietnam, la mort du Che et l’assassinat de Luther King, mais cela ne suffit pas à expliquer la fougue d’une jeunesse italienne en lutte contre le système.

Le parti pris romanesque de Michele Placido ne donne aucune substance aux différentes oppositions qui constituent l’histoire : la rivalité entre Libero et Nicola, l’implosion de la cellule familiale entre parents et enfants contestataires, les incompréhensions entre professeurs et élèves, ainsi que la lutte entre classes bourgeoises et inférieures.
La narration plate et l’esthétisme digne d’un téléfilm n’offre qu’une pale version d’un Roméo et Juliette italien malmené par les idéologies de 68.

Issue d’une époque passionnelle, cette histoire vraie est malheureusement engluée dans un romantisme clinquant. Dommage pour nous… L’intérêt du film ne repose que sur le choix des acteurs : surtout Riccardo Scarmacio :)

2 Ponyo

lundi 8 mars 2010

Precious - Lee Daniels


L’histoire de Precious n’a rien d’ordinaire : 16 ans, noire, obèse, mère d’une enfant trisomique et une nouvelle fois enceinte de son père, illettrée, séropositive et habitant Harlem avec sa « Thénardier » de mère, cette adolescente américaine endosse quotidiennement avec peine et courage toutes sortes de violences physiques et morales. S’accrochant en vain à ses fantasmes colorés et à son apprentissage dans une école alternative, elle trouvera comme unique exutoire le salut par les mots.

Lee Daniels arrive à retranscrire une histoire qui de part sa noirceur dégage une beauté immaculée. Serions-nous face à une martyre, qui aux travers de tous ses maux, arrive cependant à transcender la sordidité de son existence pour insuffler une bribe d’espoir ?

Precious n’est pas un mélodrame larmoyant. C'est un film indépendant qui offre un scénario plus complexe qu'on ne le pense à ce fait réel.
Par son parti pris esthétique et artistique, le réalisateur évite tout misérabilisme et pathos surjoué. L’originalité de la réalisation réside dans cette dualité de scènes violentes aux dialogues percutants et ces moments d’onirisme, où Precious supplante le temps d’une rêverie la cruauté éprouvante de sa situation.
Toute la puissance dramatique résulte de cette adéquation surprenante de réalisme social et de fantaisie. Tragédie urbaine rapidement malmenée par une mise en scène énergique et une bande son enjouée.

L’interprétation de Gabourey Sibide est simple et à fleur de peau, celle de Mo’Nique (Oscar du meilleur second rôle) est époustouflante.

Precious est un film singulier à la fois pénible et attachant! A déconseiller pour les âmes trop sensibles !

PS : « Le film qui a fait pleurer Obama ! »- ELLE
On se passerait bien de cet argument :)

3 Ponyo

Shutter Island - Martin Scorsese


Bienvenue dans le grand théâtre de l'horreur et de la peur ! Veuillez accrocher les fils au bout de vos bras, Scorsese, le grand maître marionnettiste, va commencer sa représentation.
Dès les premières scènes d'ouverture, la chose est en effet acquise: Scorsese a décidé de jouer avec le spectateur, de le perdre, puis de lui donner les clefs, pour mieux le replonger dans les méandres de cette île et du cerveau de son héros.

L'histoire? En 1956, à la sortie d'après-guerre, un Marshall et son assistant arrive sur l'île de Shutter Island. Une sorte l'Alcatraz physique et mentale où vivent les pensionnaires (de dangereux déséquilibrés?) et leurs geôliers (de dangereux déséquilibrés?). Bref, une sorte d'asile du docteur Moreau... L'enquête sur la disparition d'une détenue commence, dans cette atmosphère assez peu guillerette.

Quelle est la recette du dernier film de Scorsese? Le réalisateur nous livre un « mille-feuille » cinématographique, un film à voir (et revoir...) sous différents angles.

Première couche, le thriller psychologique. Une tension permanente habite le film. Scorsese multiplie les intrigues, alterne les scènes d'actions physiques et les épreuves psychologiques, essouffle ses acteurs et ses spectateurs sans que le film, lui, s'essouffle une seconde.

Deuxième couche, le film introspectif. Des falaises abruptes, une atmosphère lugubre, des patients comme autant de caractères psychologiques, la découverte de l'île et de ses recoins les plus sombres semble également accompagner l'exploration cérébrale du héros et de ses névroses les plus profondes.

Troisième couche, le satyre politique. Si celle-ci semble centrale au début du film, avec une critique féroce des pratiques politiques de l'ombre, aux Etats Unis au sorti de la guerre, elle n'apparaît finalement qu'en mineur sur la fin. Le traitement de l'arrivée des américains dans les camps de concentration, souvenir de guerre du héros, n'en apparaît que plus obscène: stylisé, bien cadré, scénarisé, l'évocation de la Shoah qui, sans jeu de mots, n'apparaît pas comme une finalité dans l'histoire du film, mais comme une simple ficelle servant le scénario qui n'apporte que gène et perplexité.

En dehors de ce passage délicat, on se délecte devant ce cours magistral de cinéma. On s'amuse devant la scène d'ouverture qui use et abuse des artifices du film d'horreur. On aime la scène hitchcockienne lorsque le héros se retrouve sur la falaise. On adore se faire manipuler par les personnages de cette galerie des horreurs, plus inquiétants les uns que les autres: le professeur, Ben Kingsley, comme sorti d'une version lugubre de Tintin et l'île noire, Leonardo, intense et sombre ou Michelle Williams, dont la pureté semble annonciatrice de sombres menaces.

4 Ponyo

lundi 1 mars 2010

A single man - Tom Ford


Amérique. 1962. Voyage immobile dans la vie de George Falconer.
Une journée confrontée à la lente érosion d’un homme meurtri par le décès de son compagnon.

Digne d’un personnage Fitzgeraldien, Colin Firth évolue dans un univers glacé où chacun de ses gestes semble dégagé de son conditionnement initial : Ne se dessine pas devant nous le portrait d’un archétype social (personne aisée, professeur d’université cultivé et homosexuel raffiné) mais surgit l’allégorie de la sensibilité.

Le deuil social d’un amour prohibé s’esquisse avec finesse, l’émotion est pudique, l’esthétisme lumineux.
N’omettons pas le fait que Tom Ford est avant tout un des couturiers les plus influents actuellement et qu’il n’est nullement effrayé de mettre en avant des éphèbes directement sortis d’une édition de Vogue et de prouver son attachement aux corps. A travers son personnage, les défaites de George Falconer sont les siennes.

Même si les dialogues paraissent peu poussés et certaines scènes imparfaites, la narration reste élégante et Tom Ford arrive à nous faire apprécier un film de l’instantané : il excelle à définir cette atmosphère de solitude planante et de nostalgie sensuelle, à saisir la beauté de l’instant et des émotions. La photographie est quant à elle sublime.

La préciosité de cette histoire amère est renforcée par le jeu sobre et digne d’un Colin Firth au sommet de son art et d’une Julianne Moore émouvante à souhait.

A single man est un joli coup d’essai!

3 Ponyo